Plongée dans le Jura

Cela n’a pas toujours été le cas, mais aujourd’hui, les vins du Jura sont plus que recherchés par les amatrices et amateurs de vins qui marquent les esprits. Ceux dont on se souvient, qui nous procurent de l’émotion, qui nous donnent inlassablement envie de goûter de nouveau et de comprendre pourquoi la magie est en train d’opérer.

Il y a encore 15 ans de ça, il n’y avait pas une forte demande pour les vins jurassiens. Puis est arrivé progressivement un public averti et pointu, tout droit venu de destinations lointaines telles que le Japon, les Etats-Unis, ou plus localement, des pays scandinaves.

Aujourd’hui, le Jura a également plus que la côte auprès des œnophiles francophones. Depuis 2023, le monde du vin naturel se fait relativement calme -crise économique oblige- mais le Jura échappe à la règle et attire les foules. L’édition 2024 du Nez dans le Vert, rendez-vous annuel de rencontre autour du vin jurassien, en est la preuve. Il y avait foule !

Alors pourquoi ? Est-ce une question de terroir et de climat ? Des vigneron.ne.s à l’identité forte ? La présence de cépages autochtones ? Un je ne sais quoi difficilement perceptible ? Peut-être un mélange de tout cela, mais on ne pense pas se tromper en affirmant que le mouvement du vin naturel s’épanouit avec éclat en terre jurassienne. 

Et il est vrai que gustativement, les vins du Jura cochent les cases de ce que recherche actuellement le public naturophile : acidité, minéralité, vivacité, élégance, et profondeur.

À travers cet article, nous allons faire une grande plongée dans le Jura et percer avec vous une partie des mystères de ce petit coin devenu un paradis des amoureuses et amoureux des vins vivants.

 

Géographiquement le Jura, ça se présente comment ?  

Situé dans la région Franche-Comté, la superficie du vignoble jurassien dépasse à peine les 1800 hectares, ce qui en fait la plus petite région viticole du territoire. Il bénéficie d’une grande diversité de terroirs et le climat y est de type semi-continental.

Les sols sont dominés par des terrains marneux, mais aussi d’argiles du Lias et du Trias et de calcaires bajociens datant de l’époque du jurassique (150 millions d’années). Des roches favorables à la vigne, qui rendent du raisin concentré.

Le vignoble peut être divisé en trois grandes parties :

  • Le nord, dont l’épicentre se trouve autour d’Arbois, viticolement marqué par l’influence de Pierre Overnoy
  • Le centre, avec sa préfecture Lons-le-Saunier
  • Le sud, s’organisant autour de la commune de Rotalier, terre de Jean-François Ganevat par exemple

 

Côté climat, le Jura, ce n’est pas évident … La météo y est capricieuse. Le taux de pluviométrie est important, les épisodes de gel et de grêle sont fréquents et les étés sont incertains, parfois orageux. Plutôt éprouvant pour nos ami.e.s vigneron.ne.s, qui année après année enchainent les galères, contraint.e.s d’être ingénieux.ses et organisé.e.s. Mais aussi soudé.e.s ; ce qui fait en partie leur force.

Point plus positif, le Jura connait des écarts de température importants entre le jour et la nuit, ce qui est réputé pour être favorable à la maturation des raisins. Dans ces régions au climat challengeant, on peut trouver de très grands vins. Le Jura en témoigne …

Côté cépages, on retrouve principalement du chardonnay, du poulsard, du savagnin, du pinot noir et du trousseau. Mais aussi un grand nombre de cépages plus rares et autochtones, ce qui vient aussi contribuer à la richesse et à l’identité unique des vins du coin.

Côté AOC, on n’en compte pas moins de 7 : AOC Arbois ; AOC Château-Chalon ; AOC L’Etoile ; AOC Côtes du Jura ; AOC Macvin (un vin de liqueur, produit de l'assemblage de moût et d'eau de vie de marc du Jura) ; AOC Crémant ; AOC Marc du Jura.

 

La place du vin nature

Un des maitres du vin naturel : Pierre Overnoy, une sacrée figure emblématique !

Dans leur impeccable ouvrage « Entre les vignes, 3 générations de vigneron.ne.s du Jura », Guillaume Laroche et Cédric Blatrie écrivent même « sans les sacrifices d’un Pierre Overnoy ou d’un Marcel Lapierre, le mouvement du vin naturel aurait-il vu le jour ? » ; il est évident que ses pensées et actions ont eu rôle déterminant.

Une famille installée à Pupillin, et dès le début, une vision moderne de la viticulture. Au démarrage de l’histoire, il y a Louis, qui s’installe au début du XXème siècle, et qui fait le choix de minutieusement sélectionner ses pieds de vignes, pour ne privilégier que les variétés les plus adaptées au territoire et au climat.

Pierre, son fils, reprend le flambeau dans les années 60 et part se former près de Beaune. Mais là, ce visionnaire décide que ce qu’on lui apprend ne lui convient pas. Il retourne dans le Jura avec la conviction que les pesticides et la chimie de synthèse sont nuisibles.

C’est sa rencontre avec Jules Chauvet en 1975, un autre personnage essentiel du monde du vin naturel, qui est déterminante et qui l’accompagne dans ses choix. Avec lui, il apprend à travailler sans soufre, sans sulfites, dans le plus grand respect de la nature.

Ses vins sont d’une pureté et d’une intensité telles qu’il donne l’inspiration à d’autres de suivre sa mouvance. C’est en grande partie grâce à lui que le vin vivant a fait sa place dans le Jura.

Dans le genre icône, il y a aussi Jean-François Ganevat, pour beaucoup un des plus grands virtuoses qu’a connu le monde du vin. Il a été le fervent défenseur de cépages oubliés, un fin connaisseur de la biodynamie et ses créations sont encore très recherchées. Il a incontestablement influencé la mouvance nature jurassienne et en a inspiré plus d’un.e.

Ces deux personnages ont eu et ont toujours une place majeure dans le paysage du vin libre dans la région, mais ils ont également rayonné au-delà de ces frontières. Une vraie source d’inspiration pour une nouvelle génération qui s’est installée et qui a largement fait ses preuves. Le Jura n’est pas en manque de jeunes talents !

On adore le travail d’Alice Bouvot du Domaine De l’Octavin, installée à Arbois et douée pour nous transmettre de l’émotion à travers ses créations.

Les Bottes Rouges ! Des vins élégants et vibrants réalisés des mains des talentueux Jean-Baptiste Menigoz et Florien Kleine.

Yves Roy, du Domaine Novice, Tony Bornard trublion et génial vigneron, Stéphane Tissot et ses vins stupéfiants d’ampleur, Philippe Chatillon et ses vins à l’énergie unique, Catherine Hannoun passionnée reconvertie, Kevin Bouillet qui a repris l’exploitation familiale en 2018, Julien Maréschal du Domaine de La Borde, qui nous offre des vins impeccables de précision… On pourrait en citer d’autres encore.

 

Ils goûtent comment ces vins envoutants ?

Une aromatique inégalée, intense. Des notes parfois fumées, souvent salines, propres au sol, au territoire.

Le poulsard et le trousseau, typiques de la région, sont des cépages sauvages, aux saveurs épicées, poivrées et donnent du fruit de belle densité. Pour les rouges, on trouve aussi du pinot noir, un cépage plus répandu, le roi des voisins bourguignons, qui a la réputation d’être délicat et élégant.

Côté blancs, la région offre de superbes chardonnay et savagnin ! Le Jura, ce sont des blancs mondialement reconnus. Des notes florales, de la tension et de la minéralité, c’est souvent ce que l’on va retenir de ces délicieux canons.

Mais le Jura est aussi mondialement connu pour sa spécialité : le vin jaune ! Réalisé à partir de savagnin, il est emblématique et incontournable, directement reconnaissable par sa robe jaune dorée et surtout son contenant unique de 62cl, appelé clavelin.

Le secret provient de la méthode de vinification … Un élevage long, de plus de 6 ans, et sans ouillage, c’est-à-dire sans combler par du vin l’espace qui se créé par l’évaporation avec le temps. Ce qui s’est évaporé au fil des ans (environ 20% au total) après un travail de longue haleine, hérite du nom poétique de « part des anges ».

Le vin s’oxyde peu à peu, se concentre, le jus développe des arômes complexes, tirant sur les fruits secs et particulièrement la noix pour certain.e.s, le pain grillé ou encore le curry pour d’autres.

 

Un séjour dans le Jura

On ne peut que vous recommander un séjour dans le Jura, pour aller à la rencontre de celles et ceux qui font.

En plus d’une plongée immersive dans le monde viticole qui peut se faire par des visites de chai ou des rencontres, la région a bien d’autres atouts à offrir. À commencer par une nature verdoyante et préservée : montagnes, lacs, forêts, cascades … Mais aussi par une gastronomie riche en saveurs, avec notamment des spécialités fromagères uniques.

Vous pouvez passer une tête au Bistrot des Claquets à Arbois, lieu de rencontre offrant une généreuse cuisine maison et une sélection impeccable de cuvées locales. Vous pourrez certainement y croiser quelques vigneron.ne.s.

Et sinon, pour une ambiance plus folklorique, ne loupez pas le rendez-vous annuel de la Percée du Vin Jaune, qui s’organise chaque début d’année.