Ces sensations qui peuvent surprendre dans un vin nature, défauts ou pas ?

Bruno Schuller, dans sa cave de Husseren-les-Châteaux 

Bruno Schueller, dans sa cave de Husseren-les-Châteaux

Des défauts dans le vin, il en existe. La déception à l’ouverture de la bouteille, chaque amatr.ice.eur de vin ou presque la connait.

Dans le monde du vin naturel, il existe aussi des caractéristiques, qui il est vrai peuvent être déconcertantes, surtout pour celles et ceux dont le palais a été formaté par le vin conventionnel.

Nos vigneron.ne.s de talent, celles et ceux qui n’ont pas recours à la chimie, prennent des risques, travaillent sans filet, donc oui, il peut en ressortir quelques (la plupart du temps plutôt jolies) surprises !

Et c’est bien de les connaitre, de les apprivoiser, notamment car beaucoup se domptent, peuvent disparaitre ou alors, ne viennent tout simplement pas gâcher le plaisir !

On peut même vous dire que ces saveurs et sensations jusque-là inconnues qui viennent nous titiller le palais, on s’y attache ! Elles font l’âme du vin vivant, ce vin qui évolue, qui réagit à sa nature environnante.

Si vous démarrez votre apprentissage, vous allez tout bonnement comprendre que vous allez avoir affaire à des goûts nouveaux ! Ni meilleur, ni pire (en tout cas, ça c’est à vous de le décider), mais différent !

C’est ce sujet complexe que l’on va traiter aujourd’hui, les défauts dans le vin et ceux qui n’en sont pas vraiment, même si tout est question de perception … On va tenter de faire le tri et de vous aider à identifier ce qui se passe dans votre bouche.

 

  • Souris

Certainement le défaut dont on entend le plus parler dans le monde du vin nature ! Mais pas le plus facile à décrire … La souris, une fois qu’on l’a identifiée, on la reconnait, on la sent venir, elle nous patine le palais. Mais pour la cerner une première fois, autre histoire. Surtout perceptible en retro olfaction, on entend souvent dire que la souris a le goût de la peau du saucisson, de cacahuète, ou encore de popcorn, bref un gout « alimentaire » qui n’a rien à faire là.

Franchement déconcertante, elle peut se pointer à n’importe quel moment lors de la dégustation de la bouteille ! Parfois dès l’ouverture, parfois bien plus tard, car la bouteille a été un peu trop exposée à l’air… 

Vous aurez certainement des compagnons de boisson qui ne décèleront même jamais ce goût de souris, parait il que c’est une histoire d’acidité de salive, de pH.

La plupart du temps, pour ne tout simplement pas avoir affaire à la souris, il suffit de laisser le vin à la cave, de le laisser vieillir, 1 an, 2 ans, peut-être plus … Faites confiance à votre (bon.ne) caviste qui vous dira quel est le bon moment pour ouvrir votre bouteille !

Et si c’est quand on parle du vin vivant qu’on entend parler de la souris, c’est parce que l’ajout de souffre avant la mise en bouteille minimise très fortement le risque.

Mais quand même, ce qu’il faut surtout retenir, c’est qu’à force d’expérience, les vigneron.ne.s non interventionnistes arrivent de mieux en mieux à la maitriser cette coquine !

 

 

  • Volatile

La volatile, ou acidité volatile, est un terme qui peut être utilisé pour décrire un vin qui a tendance à tourner au vinaigre. Vous entendrez des dégustateurs parler de « volat’ ».

Il faut le savoir, l’acidité volatile est naturellement présente dans tous les vins !

Cela peut devenir un défaut quand son taux est trop élevé, et encore, la norme légale peut être dépassée et pour autant le vin reste tout à fait buvable.

Aussi, une trop forte volatile peut s’intégrer dans le temps. Parfois, elle peut même apporter un petit plus au vin, lui donner du caractère, de l’énergie !

 

  • Oxydation

L’oxydation est un phénomène complexe de réaction chimique provoquée par l’entrée en contact du vin avec l’oxygène.

Un vin trop oxydé perd de son équilibre, il devient âpre, peut avoir des odeurs d’acétate et on y prête souvent des saveurs de noix ou d’épices. Cela peut même modifier la couleur du vin : le rouge oxydé tourne au marron, le blanc au jaune.

Mais l’oxydation peut aussi être volontaire ! Sont connus notamment les sublimes vins jaunes jurassiens ! Issus de savagnin, ce sont des vins complexes, puissants, de longue garde, au goût de fruits sec et à la robe dorée.

En tout cas, une fois que le vin est oxydé, pas de retour en arrière possible.

 

  • Pétillance

On peut aussi parler de vin perlant. Ce n’est pas un défaut ! Ce phénomène est simplement le résultat de la fermentation.

Le gaz carbonique est naturellement produit au cours de toutes les vinifications. Il peut en rester plus au moins au moment de la mise en bouteille. Certains dégazent, d’autres non, … celui-ci contribue à protéger naturellement le vin de l’oxydation et facilite le travail sans ajout de soufre !

La pétillance peut aussi être vue comme un gage de réassurance : oui, si elle est là, c’est bien un vin naturel ! Pour celles et ceux qui peuvent être décontenancé.e.s,  oubliez simplement le vin quelques minutes après son ouverture : carafez, secouez un peu la bouteille, … vous verrez, cette sensation perlante se lisse, voire disparait.

 

 

 

  • Réduction

S’apparente en premier lieu à une perte de nez. Les arômes primaires sont masqués par des odeurs franchement pas agréables (œuf pourri, chou, caoutchouc, …).

Deux raisons peuvent l’expliquer : un manque d’oxygène lors la vinification ou un effet de confinement du vin dans sa bouteille.

La solution : aérer le vin ! Sortez votre carafe, faites tourner votre verre : l’oxygénation va faire son travail. Et vous pourrez déguster votre bouteille comme c’était prévu.

 

  • Brett

On parle là d’une famille de levures, nommées brettanomyces. Elles sont indésirables car elles donnent un goût et des arômes « phénolés», pouvant s’apparenter à du cuir, ou même encore à une écurie. Qui n’a jamais entendu que le vin naturel sent la ferme, le cul de vache ? Et c’est peut-être même un de vos premiers souvenirs marquant lorsque vous avez découvert cet univers (ça l’est pour nous). Et bien la brett pourrait bien en être la responsable.

Elle est très communément présente dans l’environnement des chais, et des techniques de pasteurisation ou de filtration utilisées dans le monde du vin conventionnel les empêchent de proliférer dans les cuves. Voilà pourquoi c’est une des caractéristiques qu’on peut trouver dans les vins libres.

Est-ce un défaut ? Plutôt oui. Même si à petite dose, cela ne nous empêche personnellement pas d’apprécier tous les autres aspects d’un joli vin ! Mais comme toujours, il y a débat sur le sujet, et aussi un juste équilibre à trouver.

 

  • Bouchon

Le vin bouchonné, quelle déception ! On ouvre notre bouteille, on a hâte des premiers effluves et là … une odeur de liège. Il existe d’ailleurs des bouchons permettant d’éviter toute contamination : des bouchons synthétiques, des capsules à vis, mais ils se font rares ! Malheureusement, pas de solution ni de retour en arrière à ce défaut, il n’y a plus qu’à renvoyer la bouteille.

Ce défaut relativement commun, n’est lui pas associé à l’univers du vin naturel.

 

  • Maladie du gras

Le vin peut tourner au gras. Défaut qui va souvent de pair avec les vins manquant d’acidité.

Les fautives : les bactéries lactiques, responsables de la fermentation malolactique. Il peut y avoir une déviation du métabolisme de ces dernières, qui au lieu d’opérer une fermentation malolactique  normale, vont donner au vin un aspect huileux, filant. Si on sulfite, pas de risque, mais pas de ça ici, vous l’avez bien compris.

C’est un défaut plutôt rare tout de même, et celui-ci peut disparaitre avec de la garde en cave !

 

Avec ce premier tour d’horizon (il est certain incomplet), on espère vous aider lors de vos prochaines dégustations et si vous en avez envie, à analyser vos vins, comprendre ce qu’il se passe dans vos bouteilles.

Ce sujet peut vous aider à comprendre le débat parfois agité qu’il existe entre celles et ceux qui dénigrent le nature car soi-disant bourré de défauts et les autres, qui à l’inverse estiment qu’un vin trop lisse et sans aspérité n’apporte pas de plaisir.

Il y a un juste équilibre à trouver. Il est tout d’abord essentiel de comprendre que la production d’un vin libre est un challenge immense, un travail qui relève d’une exigence absolue, depuis le travail à la vigne jusqu’à la vinification, en passant par l’hygiène au chai. Les vigneron.ne.s de l’école nature prennent des risques pour nous produire des cuvées délicieuses et vibrantes !

Mais surtout, on espère que comme nous, vous avez eu la chance de déguster un grand nombre de vins dits nature sans le moindre défaut ! Des cuvées qui ont le pouvoir de nous procurer de l’émotion, de magnifier leur terroir, de surprendre et faire danser de joie nos palais, tout cela avec une extrême maitrise.

Et c’est une majorité de ces vins là que l’on connait, et propose, aujourd’hui. Des cuvées réalisées des mains de vinificatrices et vinificateurs de talent, qui ont pris le temps d’attendre, de goûter, d’observer, de maitriser, et qui sont juste doué.e.s pour nous sortir des beautés.

Et comme dans tout domaine, il est toujours bien vu de faire preuve d’humilité : à chacun ses goûts, à chacun ses marqueurs, le vin délicieux qui remplit ton verre ne sera pas forcément le même que celui de ton voisin.

 

Crédit photo : @clubdesandouilles